L’esprit… les récrés…

A l’école, on m’a appris qu’il fallait savoir des tas de choses; et que si je ne les savais pas, ça irait mal pour moi dans la vie.
Alors je me suis forcé à les apprendre, souvent sans les comprendre, et j’ai commencé à m’empoisonner la vie.
Heureusement il y avait les récrés.

Plus tard dans la vie, j’ai cru encore longtemps que je devais savoir plein de choses.
Mais, en tant qu’ illustrateur et créateur, on me demandait de réaliser de belles images. J’ai alors vite compris que tous ces savoirs ne m’aidaient pas pour créer.
Ce qui m’aidait, c’était les récrés.

Ces récrés où, même les grands, papa et maman, étaient plus rigolos quand ils se racontaient des histoires, dans leurs récrés à eux. Pourquoi jouer, danser, raconter, ce que tout le monde aimait tant, ça passait toujours en dernier ?

Pendant des années, avec mes pinceaux, j’ai raconté un Airbus qui rigole, Ali qui compte ses poissons, Gulliver ficelé au sol… j’ai relooké une cité HLM, magnifié les SICAV Rotschild…
En peignant tout cela, j’étais souvent accueilli par des yeux brillants et contents mais parfois par des sourcils froncés et déçus, sans comprendre pourquoi. Jusqu’au jour où une belle directrice littéraire m’a ouvert les yeux.

Ce qu’elle aimait, c’était l’enfant qui peignait en dansant et dessinait en jouant, léger, gracieux, non pas l’adulte qui peinait pour être aimé. J’avais pourtant fait tant d’efforts pour lui plaire!… Elle ne voulait pas de ma souffrance, elle voulait de mon bonheur. Elle aimait l’italien qui chantait et dansait avec les couleurs, pas l’immigré qui s’excusait d’exister.
Ce qu’elle aimait, c’était mes récrés.

Alors, je me suis mis en récré: récré-Cévennes, récré-peinture, récré-taï-chi, chamanisme, méditation, danse, voyages… Toutes ces récrés m’ont désintoxiqué des croyances générales. Elles ont lentement façonné un cristal lumineux et transparent qui rend la vie simple et belle.
De ce cristal des récrés est né « le chemin de la Peinture »